Le diabète de type 1 est certainement la maladie multifactorielle pour laquelle la génétique s’est profondément modifiée au cours de ces dernières années, dans ses concepts et dans ses résultats. L’existence de la composante génétique de susceptibilité au diabète de type 1 est démontrée par plusieurs arguments : lorsqu’un jumeau est diabétique de type 1, son vrai jumeau le devient aussi dans 30 à 40% des cas ; fréquence des cas familiaux (le diabète y est environ 20 fois plus fréquent que dans la population générale).
La découverte récente de marqueurs couvrant l’ensemble du génome, conséquence direct du séquençage du génome humain a transformé l’approche génétique. De la recherche de polymorphismes ou de mutations de gènes candidats en rapport avec la physiopathologie de la maladie, les généticiens recherchent à présent des polymorphismes associés à la maladie, en dehors de toute hypothèse physiopathologique, par l’étude systématique du génome. Deux localisations géniques sont connues pour leur association à la maladie : la région HLA du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) et la région du gène de l’insuline. Les années 1990 ont vu la mise en évidence d’autres localisations.Rôle de HLA (IDDM1) dans la susceptibilité génétique
Le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) est la région génique qui fournit le lod score le plus élevé, aux alentours de 7. Dans cette région, sont localisés de nombreux gènes, en particulier les gènes HLA. La participation prédominante du CMH dans la prédisposition au diabète de type 1 a été démontrée dans les années 70 [1]. Dans plus de 90% des cas, les diabétiques de type 1 sont DR3 et/ou DR4 et, à une moindre fréquence, DR1 ou DR8. Les hétérozygotes DR3/DR4 ont un risque accru de diabète témoignant d’un effet synergique des deux haplotypes. Ces associations caractérisent les Caucasiens et ne sont pas retrouvées chez les Noirs dont la susceptibilité au diabète de type 1 est associée à DR7 et DR9, ni chez les japonais (DR4 et DR9). Considérons les différents loci présents sur le même haplotype, il apparaît que DQ (en fort déséquilibre de liaison avec DR) soit plus particulièrement impliqué.
Les techniques de biologie moléculaire ont permis de mieux définir les différents allèles DQ, distinguant les allèles dits de susceptibilité et de non susceptibilité. En 1987, Tood [2] propose une hypothèse mécanistique pour expliquer l’association préférentielle de certains allèles du locus DQ au diabète de type 1. Selon cette théorie, la responsabilité des différentes associations incombe en fait à l’acide aminé en position 57 de la chaîne DQb. Les molécules DQb portant un acide aspartique à cette position ont un effet neutre ou protecteur sur le risque de diabète. Les molécules DQb portant un autre acide aminé, tel que alanine, valine ou sérine prédisposent à la maladie. Cette hypothèse est renforcée par la démonstration que chez la souris NOD, l’allèle du locus équivalent, le locus I-A, code en cette même position 57 pour un résidu sérine, alors que les souches communes de souris codent en cette position pour un résidu aspartate. Mais, cette théorie semble aujourd’hui trop simpliste et réductrice. En effet, elle n’explique ni l’effet hétérozygote DR3/DR4, ni les associations observées chez les japonais diabétiques qui ont un aspartate en position DQb57, ni les risques différents pour des allèles ayant le même acide aminé en DQb57. D’autre part, les modèles de souris transgéniques ont montré que la présence en position 57 d’un résidu neutre ne suffit pas à créer une susceptibilité au diabète.
Perspectives de dépistage et de prévention
La question du dépistage se pose à la fois au niveau individuel et à celui de la population. Au niveau individuel la demande est celle des familles au sein desquelles la présence d’un ou plusieurs sujets atteints du diabète de type 1 conduit à consulter. Le dépistage est possible. Le phénotype HLA permet, chez 25% des sujets, d’exclure un risque sur l’absence d’haplotype HLA commun avec le ou les sujets atteints. Le phénotype HLA-DR suffit dans ce contexte. Par contre, chez les autres sujets, le risque est déterminé par la recherche des autoanticorps. A l’échelle de la population, le dépistage repose en première intention sur la recherche des autoanticorps. Le risque sera précisé, chez les sujets ayant des anticorps, par le phénotype HLA de classe II, DR et DQ.
Conclusion
Les années 1990 ont été celles de la transformation de la génétique du diabète de type 1. Mais il reste beaucoup de travail à effectuer pour affiner la cartographie des régions de susceptibilité et plusieurs années seront nécessaires avant de savoir quels sont les gènes directement impliqués. On devrait assister à un démembrement de plusieurs maladies de même phénotype, caractérisée chacune par un génotype particulier, fait d’une combinaison caractéristique d’allèles à plusieurs loci, chaque famille de diabétique ayant éventuellement une combinaison propre de gène de susceptibilité. Ces résultats devraient aider considérable à la compréhension de la physiopathologie de la maladie, préalable à une éventuelle prévention. Mais il n’est pas certain, compte tenu de la complexité de cette génétique et dans l’hypothèse que le « terrain génétique » est variable d’une famille à l’autre, que le dépistage du risque génétique s’en trouve facilité dans un avenir proche.
Posté le 12/02/2007 par latrache Source : Par Jean Claude ONGAGNA (Biotribune)